Village de Vingtienne

Cela faisait maintenant plusieurs jours que Wilhem, accompagné de sa nouvelle armée, était parti de Quenelles. Ils venaient de passer Parravon, cité légendaire dans toute la bretonnie et le vieux monde. Il leur fallait maintenant poursuivre vers Vingtiennes, passage obligatoire pour se rendre en empire, menant tout droit à la ville frontière de Helmgard.
L’ambiance était au beau fixe dans la compagnie. Ils n’avaient rencontré au cours de leur périple aucune embuche, aucun guet apens. Leur nombre n’y était pas pour rien, sans nul doute, mais Wilhem se réjouissait tout de même de l’inhabituelle tranquillité du voyage. Il avait appris beaucoup depuis son départ de la citée du sud. Les 5 chevaliers du graal qui l’accompagnait avaient parcouru le monde et rencontré bien des choses. Wilhem s’imprégnait de chacune des paroles des saints-vivants, reconnaissant parfois dans leur récit les aventures qu’il avait vécu lui-même. Des combats épiques, des chevauchés interminables, des situations désespérées : il avait bien connu tout cela, tout du long de sa quête personnel. Peut-être qu’un jour, il tremperait lui aussi ses lèvres dans le saint calice et bénéficierai-t-il ainsi de la bénédiction de la dame du lac.
Ce faisant, le voyage s’était passé tranquillement. Certains diront qu’il fut rapide, toutes les conditions étaient en effet réunies pour que celui-ci y paraisse. Seuls les grouillots qui s’éreintés en poussant les énormes trébuchets étaient en peine. Mais ce ne sont que des pécores, ils sont là pour çà, après tout.

C’est aux alentours de midi que la troupe décida de s’installer dans le village de Vingtienne. Comme à son habitude, Wilhem entra dans la première taverne qu’il croisa, héla le patron et commanda une gigantesque tournée de vinasse. Le vin coulait à flot, les carcasses s’entassaient, des rires et des chansons s’élevaient de la taverne pour se perdre au loin dans la campagne environnante. Déjà la soirée arrivait.

Le soleil s’affaissait doucement dans le ciel, inondant les toits de la bourgade d’un rouge intense. Le monde semblait s’endormir totalement, comme le faisait déjà une bonne moitié de l’armée sous l’emprise de l’alcool. Wilhem avait déjà ingurgité suffisamment de vin pour coucher un cheval, mais, comme à son habitude, poursuivait de bon cœur. Il n’arrêterai que lorsque la gorgée ultime l’obligerai à fermer totalement les yeux. Petit à petit, les guerriers s’effondraient sur place, hoquetant et ronflant comme pour cuver leur vin.
Mais ce calme si serein allait bientôt être effroyablement bouleversé…

Après avoir reçu le baiser de sang, Mavado s'était endormi et son cœur s'était arrêté. Il était resté étendu là toute la journée et ne réveilla en sursaut qu'à la tombée de la nuit. Il se releva d'un bond, il sentait une énergie immense en lui mais il souffrait d'une douleur intense, un peu comme si il brulait de l’intérieur. Il avait une très grosse fièvre qui perturbait ses pensées. Des envies de meurtre, de violence gratuite et de massacres l'envahissaient. Il n'était pas du genre à y succomber mais il avait fort à faire pour maitriser en permanence la furie sanguinaire qu'insufflait en lui son sang corrompu.

*Quel calvaire...*

En cherchant dans les environs, il n’apercevait son destrier nul part. Il trouva seulement des traces de sabots au sol montrant que le vampire était certainement parti avec. La tristesse avait fait place à de la rage, il voulait se venger et cette envie de vengeance n'était pas digne d'un chevalier de la quête. Il tentait de refréner ses pulsions tout en redescendant la montagne, esperant tomber sur un village dans la vallée. Il avait de la chance pour une fois et pénétra dans le village de Vingtienne. Tout était calme et les villageois semblait tous endormis. En marchant dans l'allée centrale, il vit une lumière allumée. Il s'agissait d'une taverne. Il s'en rapprochait quand d'un coup, il fut pris d'une douleur intense qui lui força à poser un genou au sol. Sa fièvre augmentait en intensité et faisait perler des gouttes de sueurs sur tout son corps. Il se servait de son épée lourde comme d'une canne pour l'aider à se remettre debout et pour continuer son chemin. Il arriva tant bien que mal à l'entrée et jeta un œil à l’intérieur. Il avait l'air très gravement malade mais ne s'en inquiétait pas, il luttait simplement pour ne pas tomber inconscient. Tous les individus de cet établissement semblaient s'être endormis avant avoir trop fait la fête. Un seul était encore debout. Mavado s'adressa à lui avec difficulté.

"Messire, je vous salue... Je...J'ai... J'ai rencontré de terribles épreuves, lors de ma quête, dont la dernière, à fait connaitre à mon fidèle destrier, un funeste, destin...."

Il prit quelques secondes pour reprendre son souffle, tout en s’accrochant à son épée pour ne pas tomber.

"Pourrais-je compter, sur votre générosité, pour me gratifier, d'une monture?"

Follen avait lui-même rassemblé ses troupes près du village de Vingtienne, les pécores n'avaient pas encore remarqués leurs présences. Pourtant ils allaient bientôt les repérer, mais à ce moment-là il sera trop tard. Hellamon voulait tester son canon, il ordonna à ses troupes de préparer une salve, puis tira dans les champs entourant Vingtienne. La boule de feux éclairé la nuit telle une étoile filante, pour finalement exploser au milieu d'une ferme de paysan. Les flammes se répandirent rapidement, détruisant la ferme, puis les champs. L'incendie se propagea de plus en plus vite, de plus en plus loin, de plus en plus violement. Les malchanceux prit dans les flammes hurlaient, juraient, pleuraient leurs morts. Mais aucun survivants ne put sortir du piège de flammes, Follen jubilait sur place, savourant chaque cris, chaque plaintes.

La ville s'anima soudainement, Follen et son armée levèrent leurs armes devant les flammes. Des soldats les observaient effrayés, énervés, mais surtout bourrés. Follen aurait pu charger à l'instant, mais si le village leur cachait quelque chose il risquait de s'en mordre les doigts. La moindre embuscade pouvait tout changer. Le message était clair, Follen et ses guerriers se replièrent plus loin attendant le levé du jour pour agir.

Wilhem avait les yeux qui lui piquaient et un mal de tête mémorable était en train de venir lui titiller les tempes. Alors qu'il commençait doucement à se laisser emporter dans les voluptés d'un sommeil alcolisé, il vit entré dans l'auberge un homme qui semblait en mauvaise posture. Ce-dernier se dirigea droit vers lui:

" Messire, je vous salue... Je...J'ai... J'ai rencontré de terribles épreuves, lors de ma quête, dont la dernière, à fait connaitre à mon fidèle destrier, un funeste, destin....
Pourrais-je compter, sur votre générosité, pour me gratifier, d'une monture?"

L'homme semblait en très mauvaise santé. Son teint était pâle, ses yeux rougeoyant. S'il arborer les armes d'un fier chevalier, son allure actuelle laissait à penser tout l'inverse.
Wilhem pris un instant pour toiser son interlocuteur. Un instant, il avait pensé lui proposer d'intégrer son armée en échange de soins et d'un couvert. Mais l'homme était forcément malade, et il ne pouvait se permettre de laisser se répandre une épidémie dans ses rangs.
Ainsi, il se ravisa et lui lança:

"Mon bon sire, je vous vois là bien fatigué. Comment un bretonnien pourrait-il laisser un des sien dans le besoin. Vous dites avoir besoin d'une monture? J'imagine que vous voulez rentrer dans votre maisonnée vous reposer après les souffrances et mésaventures que vous avez connu... Venez avec moi."

Il se leva alors de son banc, renversant au passage les reste d'une chopine de vin ainsi que deux chevaliers qui s'étaient endormis au milieu des carcasses de poulets. Il se dirigea vers l'homme d'un pas vascillant et, voyant la faiblesse de celui-ci, le pris par l'épaule comme un vieil ami, l'aidant ainsi à rester debout. Ils se dirigèrent vers l'écurie dans laquelle étaient parqués les montures de ses hommes. Dans un coin, un cheval un peu plus chétif que les autres se tenait debout, regardant les deux hommes d'un air appeuré. Wilhem s'approcha de l'animal et lui caressa la joue tout en lui attelant une selle pour le voyage qu'il allait entreprendre:

"Calme toi, mon brave. Je sais que tu ne connais pas ce chevalier, mais je suis sûr qu'il s'occupera bien de toi."

Puis, ce retournant vers l'inconnu:

"Voici ta monture, mon brave. Celui-ci fait parti des quelques montures en plus que nous avons emmener avec nous pour parer au éventuelles pertes au combat. Il est un peu chétif car encore jeune, mais très rapide. Vous serez vite chez vous pour prendre repos."

Ce faisant, il aida l'homme à se hisser sur la monture. Celui-ci semblait avoir grand peine à se dresser sur l'étalon. Wilhem pris le cheval par la bride et l'accompagna jusque devant l'écurie. Il s'apprêter à souhaiter bonne route au chevalier lorsque soudain, un peu plus loin dans le ciel, une gigantesque boule de feu illumina les environs, accompagné d'un bruit assourdissant.
Sous l'effet de surprise, le cheval se cabra, manquant de désarsonner son cavalier. Wilhem calma l'animal rapidement, et s'assura que l'homme était toujours en position dessus.

"Qu'est-ce que c'était que çà? lanca-t-il à l'inconnu. Peut-être l'alcool me joue-t-il des tours, mais je jurerai que c'était un tir de canon..." Il le regarda alors fixement, l'air interrogatif, espérant une réponse de celui-ci. Finalement, il ne connaissait ni l'individu, ni la raison de son état de souffrance. Peut-être savait-il quelque chose sur la raison de cette boule de feu.

Ce chevalier semblait déborder de générosité. Il accéda à la requête de Mavado et n'hésita pas à le prendre par l'épaule pour l'aider à se rendre jusqu'à l'écurie. Il avait du mal à marcher droit à cause de l'alcool mais au moins il tenait debout. Arrivés à l'étable, il lui choisit un tout jeune destrier et l'équipa.

"Voici ta monture, mon brave. Celui-ci fait parti des quelques montures en plus que nous avons emmené avec nous pour parer aux éventuelles pertes au combat. Il est un peu chétif car encore jeune, mais très rapide. Vous serez vite chez vous pour prendre repos."

Son sang corrompu insuffla une nouvelle fois une rage énorme en Mavado, qui luttait de toutes ses dernières forces pour ne pas y succomber.

*Du repos... Tu crois que du repos pourrait me guérir imbécile? Ta mort me serait bien plus profitable, et douce. Je vais t'en donner la preuve dès maintenant... Non... Cet homme charitable est en train de m'aider, il est un de mes frères d'armes, qui va mourir de ma main... Non, je ne lui ferais aucun mal, même si son sang chaud à l'air si savoureux... mais je suis fou, je ne succomberai pas au mal, je suis un chevalier!*

Le chevalier de la quête luttait contre ses propres pensées pendant que son bienfaiteur l'aidait à se hisser sur sa nouvelle monture. Cette lutte l'affaiblissait d'autant plus, sa fièvre avait encore augmenté et sa vision se troublait. Il avait du mal à tenir son épée quand, tout à coup, dans le ciel, une gigantesque boule de feu illumina les environs, accompagnée d'un bruit assourdissant. Mavado voyait également la mort qui l'accompagnait. De nombreux paysans avaient péri, attirant à eux et vers le village un flux intense de magie noire, dont Mavado percevait chacune des vibrations. Cette énergie invisible redonna au chevalier toutes ses forces, et même bien plus. Il ressentait en lui une telle puissance qu'il en était impressionné. Sa fièvre avait disparue d'un coup pour laisser place à un bien être profond. Il était tellement stupéfait qu'il ne s'était pas rendu compte que son cheval s'était cabré. Il n'avait rien fait pour ne pas tomber mais n'avait pas bougé de sa selle. Il se sentait tellement fort à présent qu'il en était sous le choc. C'était la première fois qu'il percevait de la magie noire, et elle semblait couler dans ses veines comme son propre sang. Il se rendit compte qu'il pouvait discerner tous les endroits où se concentraient cette énergie. Il y en avait tellement, les lieux de souffrances et de mort ne manquent pas dans le Vieux-Monde, attirant vers eux toujours plus de cette sombre magie. Un de ces endroits pourtant en regroupe une quantité bien plus importante. C'était à l'Est de sa position actuelle. Il ne savait pas qu'il s'agissait de la Sylvanie mais ce qu'il savait, c'est qu'il devait s'y rendre. Il se sentait fatalement attiré vers cet endroit.

"Qu'est-ce que c'était que çà? Peut-être l'alcool me joue-t-il des tours, mais je jurerai que c'était un tir de canon..."

Tout en serrant fermement son épée lourde dans sa main, Mavado tourna lentement son regard vers celui de Wilhem pour lui répondre. Ses pensées ne le torturaient plus pour le moment et il jouissait d'une très grande confiance en lui. Il lui répondit d'une voie calme et d'un ton serein.

"Il s'agit bien d'un tir de canon, mon ami. Un canon apocalypse du Chaos pour être précis. Toute une armée est aux portes de ce village, d'eux émane tellement de haine... Vous devriez préparer vos troupes pour la bataille, le jour ne va pas tarder à ce lever."

Il ne savait pas lui même comment il possédait ces informations, mais il était certain d'avoir raison. Il ne pouvait plus attendre, il devait se rendre en Sylvanie pour avoir les réponses à ses questions. Il porta la main à sa ceinture et en sortit un poignard de collection en or massif incrusté de nombreuses pierres précieuses. Sur la lame était gravé le blason de son fief: le domaine d'Arcambal dans le duché de Couronne. Cet objet d'une valeur inestimable fut forgé pour un de ces ancêtres après qu'il eut réussi l'exploit de revenir vivant d'une expédition en Lustrie. Les biens matériels comme celui ci ne l’intéressaient plus à présent. Il le regarda d'un sourire et le lança très adroitement sur un pilier de l'étable. Le poignard étincelant se planta à moins d'un demi-mètre de Wilhem.

"Je ne saurais comment vous remercier pour votre aide mais voila déjà un maigre acompte. Je n'ai point le temps de me reposer, je dois poursuivre ma quête au plus vite. Nous sommes appelés à nous revoir, je vous dis donc à bientôt."

Il envoya son destrier au galop et fila comme le vent en direction de l'Est.

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