Mahabbah

Après une paisible nuit dans la reposante quiétude de sa suite personnelle, Mavado n'eut une nouvelle fois pas le temps de faire la grasse matinée comme il l'aurait souhaité. Sa fonction lui imposait d'importantes responsabilités et, même si il s'en passerait bien quelquefois, il savait qu'il agissait pour le bien de son peuple. C'est donc motivé qu'il se présenta devant ses conseillers. Après l'avoir salué selon le protocole, ils l'informèrent d'une nouvelle plutôt inhabituelle. Des flots incessants de réfugiés provenant de Kislev affluaient en masse dans l'émirat. Apparemment, le chaos attaquait en force sur leurs terres et, bien que les incursions du chaos aient lieu régulièrement dans cette région, cette attaque ci semblait différente. D'après les réfugiés, cette armée était la plus grande ayant jamais foulé leur sol, ce qui les avait incité à venir s'abriter dans un endroit qui leur paraissait sécurisé.

"Les bonnes relations commerciales que nous entretenons avec Kislev nous interdisent de fermer nos frontières à ces malheureux, mais nos capacités d'accueil sont limités et le Funduk, le quartier réservé aux étrangers commence à saturer. Nous allons manquer de place dans un avenir très proche si nous ne trouvons pas de solution au plus vite."

"Très bien, conduisez moi au plus vite au Funduk!"

L'émir fut ainsi conduit au quartier réservé aux étrangers, un endroit pouvant sembler plutôt étrange pour un habitant du Vieux Monde, mais pourtant très commun dans l'émirat. L'Arabie est une terre pleine de promesses pour les aventuriers les plus audacieux, le grand désert renfermant en son sein d'immenses trésors enfouis tels des mines d'or ou de diamant. Nombreux sont les explorateurs Tiléens, Bretonniens, Impériaux ou autres qui ont fait le pari d'explorer ces terres et d'en rapporter des monceaux de richesses. Bien peu en sont revenus car l'Arabie révèle des pièges mortels, à commencer par la chaleur et le manque d'eau, mais il n'y a pas que ça. Les peuplades d'Arabie gardent jalousement leurs trésors et les étrangers sont rarement les bienvenus. Même dans les cités portuaires les plus commerçantes tels que Mahabbah, les marchands et navigateurs étrangers sont cantonnés dans des quartiers qui leurs sont réservés: les Funduks. S'aventurer sans autorisation au delà de ces enclaves peut s'avérer mortel tel décrit dans le verset suivant:
85ème verset : Tout étranger surpris hors des quartiers réservés aux étrangers doit être puni de 30 coups de fouets et reconduit au Funduk le plus proche, s'il ne possède pas d'autorisation spéciale. Si l'étranger récidive, il sera condamné à la pendaison.

Ce verset plutôt radical n'avait pas prévu quelle attitude adopter pour parer à une invasion de réfugiés terorisés... En arrivant sur place, la situation semblait encore pire que prévu. Le quartier était littéralement noir de monde, les gardes ayant le plus grand mal à les contenir, et de nombreux bateaux faisaient la queue dans l'espoir de débarquer leurs passagers, certains sautant à l'eau en prenant le risque de se noyer.

"Vite allez soutenir ses soldats qui tentent de sécuriser le périmètre, et appelez d'autres unités en renforts. Nous allons devoir créer en urgence un camp de réfugiés provisoire à l'extérieur de la ville, d'où nous redirigerons les bateaux suivants. Conseiller Ashraf, je vous donne le commandement de cette opération, considérez la comme une mission prioritaire. N'hésitez pas à demander des renforts aux garnisons d'El Mansurah et de Simyra. Nous devons faire tout notre possible pour aider ces malheureux."

"A vos ordres."

Aujourd'hui l'émir Mavado inspectait le camp de réfugiés kislevites récemment installé en périphérie de Mahabbah. Le nombre d'occupants atteignait déjà quasiment le nombre d'habitants de la capitale de l'émirat, c'est à dire environ quarante mille. C'est le conseiller Ashraf qui s'acquittait de cette tache et Mavado désirait en voir le plus possible. Les conditions de vie des réfugiés se devaient de rester correctes et l'hygiène du camp devait absolument d'être parfaite, ceci afin de contrer toute épidémie. Les lois en vigueur dans l'émirat avaient également l'obligation d'être appliquées à la lettre, tout relâchement même minime pouvant mener à un soulèvement voir même une révolte, et c'est sur ce point que le conseiller avouait avoir un peu de mal. Il ne pouvait en effet empêcher de nombreux vols et quelques crimes d'être commis, tout comme il se sentait incapable d'empêcher les kislevites de consommer de l'alcool et de jouer à des jeux de hasard, ce qui provoquait de nombreux conflits.

"Nos effectifs sont insuffisants pour faire régner l'ordre." avouait-il.

"Pourtant vous deviez recevoir des renforts d'El Mansurah et de Simyra. Avec toutes ces troupes à votre disposition, cela ne devrait vous poser aucun problème." s'étonna l'émir.

Ashraf détourna le regard, tentant de dissimuler une information à son interlocuteur. Mavado n'en fut pas dupe et le questionna à ce sujet.

"Ils ne les ont pas envoyé, c'est ça?"

"Simyra a répondu favorablement, leurs troupes sont en route vers notre cité, mais El Mansurah a refusé de nous venir en aide, prétextant que l'émir nouvellement élu n'était pas légitime et..."

Mavado jura, son insulte résonnant dans tout le camp, coupant la parole au conseiller.

"Faites seller mon cheval, et qu'une unité de cavaliers du désert se tienne prête, je me rend sur place!"

Plusieurs heures plus tard, après un voyage sous un soleil ocre brûlant, les cavaliers menés par Mavado arrivèrent en vue de la cité. En plein désert, à plus de cent kilomètres au sud de Mahabbah, la ville d°El Mansurah a été implantée sur l'oasis du même nom, à proximité d'une immense carrière de marbre, exploité depuis plus d'un siècle et demi. La ville compte quinze mille habitants mais ce chiffre fluctue à cause du nomadisme des éleveurs qui transitent très souvent par la cité. La ville est entourée de remparts et grâce à la présence d'un lac naturel, une agriculture intensive a pu se développer par le biais de l'irrigation. La cité est donc entourée d'une ceinture verte de près de deux kilomètres de rayon, où l'on cultive céréales, olives et fruits divers. En ce jour toutefois, la ville semblait déserte. Aucune caravane de marchand, aucun éleveur, pas un bruit provenant de la carrière de marbre, un calme déstabilisant entourait cette endroit. S'avançant lentement à travers l'épaisse végétation de l'oasis, les cavaliers se rapprochaient prudemment de l'imposant rempart. Ne décelant toujours pas le moindre signe de vie, ils parvinrent à quelques mètres de l'entrée de la ville, lorsque que l'un des cavaliers s'écria:

"Embuscade!"

Une cinquantaine d'archers sortirent de leur cachette et bandèrent leurs arcs du haut des remparts. Au moins autant s'extirpèrent de leurs terriers creusés dans le sable. Ils encerclaient totalement Mavado et ses troupes, leur coupant toute retraite. En décalage avec la peur née dans le coeur de ses hommes, l'émir éclata de rire en applaudissant.

"Je reconnais bien là le savoir faire ancestral dont vous êtes héritiers."

Reprenant son sérieux, il ordonna:

"Conduisez moi à votre chef!"

Plutôt surpris, les archers escortèrent le tout jeune émir jusqu'à la maison de leur chef Oussama, c'est ce qu'ils avaient l'intention de faire de toute façon. Fumant de l'opium, ce dernier regarda Mavado avec dédain. Il souffla un large nuage de fumée avant de prendre la parole.

"Voici donc le grand Mavado, le tueur de mort, responsable de la défaite de la plus grosse armée de morts vivants ayant jamais pénétré dans l'émirat, le tout nouvel émir choisi par le peuple... Foutaise que tout ça, je sais bien que c'est seulement à cause d'une chance insensée que tu es parvenu à décapiter le roi des tombes qui menait l'armée ce jour là. Tu n'es pas plus digne de respect que ce chien qui se lèche les baloches..."

Déjouant la vigilance de ses gardes, Mavado se saisit avec habilité de l'épée de l'un d'entre eux, bondit avec souplesse vers son interlocuteur, et sépara son corps de sa tête en une attaque d'une grande adresse, le tout en moins d'une seconde. La caboche de son opposant encore fumante roulant au sol, il s'adressa d'un air de défi au reste de l'auditoire.

"Qui d'autre conteste mon autorité?"