île de Shuyoshi [Quête non commencée]

En Nippon, sur l'île de Shuyoshi, les insulaires n'ont subit aucune attaque depuis si longtemps qu'ils ne forment plus personne à la pratique de la guerre. Montrez leur qu'ils ont eut tort!

A gagner: 1 point de quête.

Nippon. Une terre inconnue, extraordinairement éloignée de ma natale Arabie. Mes pas me mènent dans le vieux monde, mercenaire aussi imprévu qu'une subite tempête au coeur du désert. Mercenaire. Voilà un mot bien trompeur. Je me bats pour l'or, entraînant des hommes assoiffés par le gain à ma suite. Mais il ne s'agit que d'une illusion. Si je tire ma lame, si je fais verser le sang par d'autres, c'est parce que la voix des hommes morts autrefois résonne toujours dans mon esprit. Depuis que j'ai brisé cette fiole, depuis que la mémoire des guerriers de jadis souffle en moi, je suis forcé d'obéir à leurs impérieux commandements.
Et ils veulent que j'aille au Nippon.

Cette île a un nom. Shuyoshi. Alors même que j'en examine les côtes enténébrées par la nuit, je m'efforce de combattre les souvenirs qui me hantent sans toutefois m'appartenir. Je revois des scènes où les navires débarquent, les hommes descendant en silence dans l'eau froide. Je revois ces images, où la mort prend possession de la plage, où les lames déjà ruisselantes se teintent de rouge. L'acier prend un coloris singulier, de vermeil rutilant comme l'eau salée se mélange au sang.
Je poussais un profond soupir, évacuant ces réminiscences enfiévrées.

Je me retournais, contemplant mon équipage. Des hommes encore peu endurcis, quoique déterminés. Ils ont écouté mes promesses de rapine et de pillage et m'ont suivi dans ma quête éternelle de batailles. Ils m'ont suivi vers leur fin.

- Hommes d'Estalie ! aboyai-je.

Ceux-là étaient avec moi depuis longtemps. Disciplinés quoique mal équipés, ils tenaient pour moitié du soldat et pour moitié du bandit. Cette nuit, ils observaient un silence parfait, vérifiant leurs armes et leurs armures.

- Hommes du Nord !

Ces derniers étaient aux rames et propulsaient le vaisseau en arquant tout leur corps musculeux. Recrutés depuis peu, ils appartenaient à une tribu décimée qui avait fuit les montagnes, où pullulaient orques et gobelins mais aussi ogres en maraude. Désespérés, presque nus mais farouches, ils constituaient pour l'instant la meilleure infanterie de choc que je puisse m'offrir. Les voix... les voix susurraient toujours leurs souvenirs dans ma tête et je devais me battre. Je devais donner corps à ces mots informels.
C'était une véritable malédiction ; mais elle me procurait un plaisir insatiable, un désir jamais assouvi. Brûlant. Passionné. Comme le soleil de mon pays que j'avais fui.

- Aujourd'hui, vous aurez votre dû. Cette côte que vous voyez vous attend, ricanai-je en tendant le bras vers l'île. Nous approcherons sans un bruit, à la faveur de la nuit.

Je levais la tête, observant un instant la voûte céleste encrée comme le plus obscur des fours.

- On m'a dit que cette île avait oublié le goût de la peur. Moi, je vous dis que nous allons le lui ré-apprendre !

Ma main se posa sur le pommeau de mon sabre. Général exotique, troupe disparate.
Mais rien n'empêcherait le carnage profondément injuste qui allait se perpétrer dans les heures à venir. Car telle était la volonté de ces esprits morts en moi ; et j'étais leur bras armé, leur jouet impuissant.

Le navire approchait de la plage, ombre voguant à la surface de l'eau.

En voyant le navire approcher, certains des villageois, totalement inconscients du danger, se réunirent sur la plage et firent de grands signes de la main pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs. Ils avaient l'air heureux, tous étaient souriants et de nombreux enfants continuaient à jouer sur la plage comme si de rien n'était. Leurs rires de joie couvraient le clapotis des vagues...

La méfiance semblait être totalement absente dans leurs esprits apaisés. Saurez vous trouver en vous même la barbarie suffisante pour les sortir de cette paix utopique?

Je haussais un sourcil en jetant un oeil au rassemblement qui s'effectuait. Sympathie. Confiance. Optimisme démesuré, dément ! Ces hommes et ces femmes... Ils me dégoûteraient presque. Quelle vie avaient-ils eu pour agir ainsi que ces enfants qui couraient en toute innocence ? Je crachais par-dessus le bastingage, tant l'amertume avait envahi ma bouche et tant ce goût m'était atroce.
Je me retournais vers mes hommes, un rictus intrinsèquement cruel fiché sur les lèvres.

Il ne fallait pas croire que j'étais quelqu'un de forcément et irrémédiablement mauvais. Mais comme tout un chacun, j'obéissais aux lois qui étaient miennes. Ces citoyens-là, suant l'innocence, étaient la cible dévoyée par les esprits qui me guidaient depuis des années maintenant. Je n'avais jamais pu leur désobéir, et s'ils m'envoyaient ici... une raison existait nécessairement.
Laquelle ? Je m'en moquais. Je n'étais pas là pour percer à jour les motivations des morts.

- Très bien, les gars...

Mon regard sa darda sur les piquiers, sévère.

- Les lances restent sur le pont. Prenez les épées, au fourreau. Vous descendrez avec vos plus jolis sourires.

Mes yeux se reportèrent sur les barbares, qui ramaient la mine fermée.

- Quant à vous... Vous attendrez plusieurs minutes qu'on soit partis pour descendre et faire un carnage. Gardez-en un en vie, un gosse qui pissera de trouille et ne comprendra pas ce qui se passe, pour vous indiquer le chemin de son village.

J'arquais la tête en arrière, fermant les yeux. Les effluves de la mer emplirent mes poumons, les revigorant, tandis que le vent jouait dans mes lourds cheveux nattés. Quelques vertèbres craquèrent tandis que je m'étirais, goûtant déjà à l'action à venir. Comme à chaque fois que j'accomplissais l'envie morbide qui me dominait, une douce plénitude s'emparait de mes membres, assouplissait mon corps et mes muscles.
Bientôt, mon sang s'embraserait à la vue de celui d'un autre. Mais... pas à présent.

La coque trembla légèrement en raclant contre le sable. Nous aurions pu jeter l'ancre au lieu de nous échouer, et achever le trajet en embarcations plus légères. Cela nous aurait épargné les efforts à venir pour remettre le navire à flots ; néanmoins, cette façon de faire présentait l'avantage de pouvoir débarquer immédiatement et en force, chose qui permettrait un peu plus tard aux hommes du Nord de prendre totalement par surprise les habitants restés sur la plage.
J'esquissais une autre mimique carnassière, avant de jeter l'échelle de corde et enjamber le bastingage.

Je descendis avec vivacité mais sans brutalité dans le geste, m'approchant des citoyens avec une expression engageante.

- Holà, voisins, hélai-je avec un sourire. J'utilisais la langue commune, bien qu'il n'était pas évident qu'ils la connussent. Nous sommes de passage et recherchons un endroit où nous ravitailler, voire pourquoi pas acheter quelques-unes de vos marchandises.

Dans mon dos, mes piquiers ayant délaissé leurs longues lances descendaient à leur tour. Plus lentement, emportant une lame au flanc.

- L'un d'entre vous pourrait-il nous mener jusqu'à vos demeures ? Nous pourrions également y passer la nuit à bon prix, si nous concluons d'honnêtes affaires...

Je tenais les mains bien éloignées du sabre qui battait sur ma cuisse, les regardant droit dans les yeux. Ils n'avaient encore jamais affronté de serpent, ni probablement de guerrier seulement honorable - c'était évident. Ou alors ce combat remontait bien au-delà de leurs mémoires.
Aujourd'hui, leur innocence prendrait fin. Etait venu jusque dans leurs foyers le crotale des sables que j'étais ; telle était la réalité du Vieux Monde.

J'attendais leur réponse, amical, et pourtant animé des intentions les plus meurtrières.

Spoiler:

Ce fut une femme qui vint se planter devant moi. N'étant moi-même pas particulièrement grand - j'étais, de fait, le plus petit de ma troupe - elle n'eut pas énormément à lever les yeux pour me dévisager.

- Vous êtes bienvenu, baragouina-t-elle laborieusement en mâchant les consonnes.

Elle avait rassemblé ses cheveux de jais en une unique tresse qui semblait lui descendre jusqu'à la chute des reins. Ses yeux étaient d'un vert saisissant, limpide. Je n'avais encore jamais eu l'occasion d'aller si loin à l'Est du continent.

- Merci, rétorquai-je d'un ton sardonique dont seuls les mercenaires dans mon dos pouvaient saisir l'entier sarcasme.
- Vous pouvez suivre moi.

Je m'inclinais légèrement, drapé d'ironie, avant de lui emboîter le pas tandis qu'elle se détournait. Les piquiers, reconvertis en simples épéistes pour l'occasion - et par là-même, bien moins impressionnants - me suivirent en un groupé largement espacé. Impassibles pour la plupart, bien que certains échangèrent un salut du chef avec l'un ou l'autre des autochtones. Bien ; avoir des soldats aussi hypocrites qu'il était possible constituait toujours un atout appréciable dans ce genre de situation.
La femme emprunta un chemin étroit qui serpentait dans une forêt de bambous. Le sable d'ici était plus pâle que dans ma lointaine Arabie.

Une bonne dizaine de minutes s'écoula, et les ténèbres se firent moins épaisses pendant un instant alors que la lune se dévoilait, grâce à la brise qui chassa quelques-uns des nuages d'ébène emplissant le ciel. Alors seulement le village nous apparut, jouxtant la lisière avec ce bois exotique.
Habitations légères pour un climat clément, quoique relativement humide. Là, notre guide se mit à appeler à pleine voix dans sa langue. Les réactions ne se firent pas tarder et nombre de ses pairs sortirent lentement des bicoques pour venir à son encontre, formant presque une foule. Nous nous arrêtâmes plusieurs mètres derrière elle, faisant de notre mieux pour ne pas paraître menaçants. J'allais même jusqu'à afficher un énième sourire perlant de bienveillance.

Manifestement, elle dût insister sur l'aspect apparemment marchand de ma présentation car plusieurs regards intéressés se dardèrent dans notre direction. Un vieil homme osa même un clin d'oeil qui se voulait complice, mais que personne ne lui retourna.
Au fur et à mesure de ces échanges qui nous étaient incompréhensibles, nous nous étions rapprochés, de quelques pas puis de quelques autres. A ma vision aiguisée de prédateur, l'encerclement qui se profilait était... éclatant. Crevait les yeux, même ; pas tant en faits que dans l'intention. Mais eux ne semblaient se rendre compte de rien, tout à leurs illusions.

Ce fut à moi que revint le premier sang. Lorsque celle qui avait condamné les siens se retourna pour sursauter, surprise par ma promiscuité, mon bras se détendit quasi-instinctivement. Avec une précision, réalisai-je, née de l'habitude.
Le poignard se planta dans son ventre tandis que je dégainais mon sabre de l'autre main. Un revers vint ouvrir sa poitrine en une longue estafilade purpurine, agrandissant ses yeux sous la surprise.

Avec des hurlements sauvages, mes forbans se jetèrent en avant, tirant leurs lames et les plongeant dans les poitrines offertes.
D'un coup de botte à la hanche, je fis partir ma victime à la renverse pour, faisant un pas en avant, en abattre une autre suite à un moulinet adroit du poignet. Mon sang se mit à charrier une fiévreuse vigueur, animant mon bras et nourrissant mon coeur.

Le carnage se poursuivit, méthodique, brutal et prompt. Très rapidement, nous achevâmes de maculer la place avec les derniers cadavres.
A peine finissions-nous qu'une main se posait sur mon épaule. Je fis volte-face, brandissant mon sabre, puis reconnu l'un des barbares sous ma bannière. Je me détendis avec un soupir.

- Vous n'avez pas chômé, se contenta de commenter l'homme en observant la scène.
- A votre inverse, grinçai-je en retour. Qu'est-ce qui vous a retenu ?

Il haussa des épaules.

- On n'a pas gardé de survivant pour nous montrer le chemin.

Je levais les yeux au ciel, exaspéré, et rengainai mon arme non sans l'avoir auparavant nettoyée.

- Très bien. Pillez la zone - objets d'artisanat, bijoux et monnaie seulement. Avec les vivres que vous voudrez emporter. Ensuite, retournez au navire. Je veux qu'on reparte aussi vite qu'on est venu.

Il acquiesça, et je lui flanquais une tape sur l'épaule pour l'encourager. Le colosse ne se fit pas prier, s'élançant au trot vers une habitation et rejoint dans sa course par deux de ses semblables.
Je surveillais toute la durée de la mise à sac, anticipant les frictions et les calmant d'une voix glacée qu'accompagnait un regard meurtrier. Je ne tolérais aucun conflit au sein de ma propre compagnie.

Et, tout en observant la chose, je me mis à sourire. Et cette fois, dans ce retroussement des lèvres, dans le pli de ma bouche... il y avait une chose à laquelle les morts d'aujourd'hui n'avaient pas eu droit de ma part.
De la sincérité.

Mis au courant par des enfants venus les informer de la bonne nouvelle, des insulaires venus des villages alentours étaient arrivés en nombre dans le but de rendre hommage aux visiteurs. Ils leurs apportèrent des colliers de fleurs et des paniers de fruits pour les honorer de leurs présents. Ils relâchèrent bien vite leurs offrandes en assistant au massacre. Choqués au début, un déclic se produit dans leur tête. Ils retournèrent dans leurs villages pour expliquer la situation au reste des villageois. Incrédules au début, ils finirent par accepter ces horreurs et cherchèrent un moyen pour se venger. Bien vite, ce qui leur avait fait si longtemps défaut revint en leur possession. Ils étaient désormais parés pour la guerre. Ils s'armèrent de ce qu'ils trouvèrent en chemin avant de retourner sur les lieux de la tuerie.

Ce n'est pas moins d'une centaine de villageois enragés qui sortirent des frondaisons pour se ruer sur les visiteurs indésirables. Largement dépassés en nombre, les mercenaires n'avaient pas plusieurs choix qui s'offraient à eux...

Les villageois parvinrent à chasser Maalik et ses hommes, qui ne firent plus parler d'eux depuis ce jour.

Quête à nouveau disponible.